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Tunisie

Proposition de résolution des Verts/ALE

Déposée par Hélène Flautre, Raül Romeva i Rueda et Daniel Cohn-Bendit

au nom du groupe Verts/ALE

Le Parlement européen,

- vu l'accord d'association euro-méditerranéen signé entre l'Union européenne et la Tunisie,

- vu ses précédentes résolutions sur la situation des droits de l'homme en Tunisie,

- vu les rapports 2002, 2003 et 2004 du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) sur le développement humain dans le monde arabe,

- vu la Communication de la Commission "Donner une nouvelle impulsion aux actions menées par l'UE dans le domaine des droits de l'homme et de la démocratisation, en coopération avec les partenaires européens" de mai 2003,

- vu la Communication de la Commission "L'Europe élargie – Voisinage: un nouveau cadre pour les relations avec nos voisins de l'Est et du Sud " de mars 2003,

- vu la Communication de la Commission sur le Dixième Anniversaire du Partenariat euro-méditerranéen, un programme de travail pour relever les défis des cinq prochaines années, d' avril 2005,

- vu la résolution de l'Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne (APEM) adoptée au Caire le 15 mars 2005,

- vu la Déclaration de la Présidence au nom de l'Union européenne sur les élections présidentielles et législatives en Tunisie du 26 octobre 2004,

- vu la Déclaration de la Présidence de l'Union européenne sur les entraves mises aux activités de la Ligue tunisienne des droits de l'homme (LTDH) du 13 septembre 2005,

- vu l'article 115, paragraphe 5 du règlement,

A. considérant que le partenariat euro-méditerranéen vise tout particulièrement à créer une zone de paix et de stabilité reposant sur les principes des droits de l'homme, des libertés fondamentales et de la démocratie,

B. considérant que l'article 2 de l'accord d'association UE-Tunisie stipule que le respect des principes démocratiques et des droits fondamentaux inspire les politiques internes et internationales des parties et constitue un élément essentiel de l'accord,

C. considérant que la politique de voisinage de l'Union européenne se fonde sur l'attachement, réciproquement reconnu, à des valeurs communes telles que la démocratie, l'Etat de droit, la bonne gouvernance et le respect des droits de l'homme, 

D. rappelant à cet égard que la Tunisie et l'Union européenne ont établi conjointement un plan d'action fixant notamment dans ses actions prioritaires le renforcement des réformes garantissant la démocratie et l'Etat de droit et en particulier, la promotion des libertés d'expression, d'opinion, d'association et de réunion,

E. considérant que la dégradation générale des libertés en Tunisie est extrêmement préoccupante à deux mois du Sommet mondial de la Société de l'Information (SMSI, 16-18 novembre 2005),

F. rappelant à cet égard que depuis 2003, au moins 17 jeunes internautes (notamment l'affaire des Internautes de Zarzis) ont été arrêtés et condamnés à de lourdes peines de prison et que de nombreuses organisations internationales font état de graves allégations d'arbitraire dans le cadre de leur procès,

G. considérant que la libre circulation de l'information est sévèrement contrôlé et que l'accès aux sites Internet relatif aux droits de l'homme ou à contenu politique est systématiquement bloqué,

H. préoccupé par l'interdiction, par décision judiciaire, de la tenue du Congrès national de la Ligue tunisienne des droits de l'Homme (LTDH) prévu les 9, 10 et 11 septembre 2005; déplorant qu'un impressionnant dispositif de policiers ait été déployé, début septembre, autour du siège de la LTDH afin d'empêcher que les membres du Conseil national de la ligue se réunissent; considérant que les réunions d'informations programmées, ces derniers jours, par les sections régionales les plus actives de cette organisation ont également été interdites par les forces de l'ordre,

I. rappelant que la LTDH, première ligue arabe et africaine des droits de l'homme, est un des piliers de la société civile indépendante en Tunisie; rappelant que les autorités tunisiennes bloquent, depuis l'été 2003, la deuxième tranche des fonds de l'Initiative Européenne pour la Démocratie et les Droits de l'Homme (IEDDH) accordés à la ligue en vue de restructurer et moderniser ses moyens d'action,

J. considérant que le Congrès constitutif du Syndicat des Journalistes tunisiens (SJT), prévu le 7 septembre 2005, a également été interdit par notification orale de la police alors que l'article 8 de la Constitution tunisienne garantit notamment la liberté syndicale en Tunisie,

K. considérant que l'Association des Magistrats Tunisiens (AMT) est menacée de dissolution et qu'elle s'est vue interdire l'accès de ses propres locaux pour avoir revendiqué publiquement un statut garantissant l'indépendance de la Justice; notant parallèlement que la Chambre des députés a adopté, le 30 juillet 2005, une loi réformant le Conseil supérieur de la Magistrature et le statut des magistrats restreignant les pouvoirs et l'indépendance des magistrats,

L. considérant que les avocats tunisiens connaissent également depuis quelques mois une répression sans précédent (poursuites judicaires et agressions physiques); rappelant à cet égard la condamnation de l'avocat tunisien et défenseur des droits de l'homme Mohamed Abbou à trois ans et six mois de prison ferme pour avoir publié des articles sur Internet relatifs aux conditions de détention en Tunisie,

M. inquiet par la multiplication des agressions physiques, des poursuites judicaires et des campagnes diffamatoires contre les défenseurs des droits de l'homme et les attaques répétées contre leurs familles,

N. rappelant que nombre d'organisations indépendantes en Tunisie ne sont toujours pas reconnues officiellement et que les autorités tunisiennes exercent un véritable harcèlement judicaire à l'encontre de ces organisations,

O. considérant que les recommandations faites par le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la liberté d'opinion et d'expression, suite à sa visite en Tunisie en 1999, n'ont pas été mises en oeuvre,

P. considérant l'absence de coopération des autorités tunisiennes avec les mécanismes spéciaux de la Commission des droits de l'Homme et en particulier, le refus d'inviter le Rapporteur spécial sur la Torture, le Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et des avocats et la Représentante spéciale du Secrétaire général sur les défenseurs des droits de l'Homme,

1. Demande aux autorités tunisiennes de mettre immédiatement un terme à toute forme de violence et de harcèlement visant les défenseurs des droits de l'Homme en autorisant les organisations indépendantes de droits de l'Homme à agir librement, conformément à la Déclaration des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l'Homme adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1998;

2. Demande aux autorités tunisiennes de permettre à la LTDH et au Syndicat des Journalistes Tunisiens (SJT) de tenir leur congrès et prie instamment le Conseil et la Commission de continuer leurs démarches à ce sujet; demande également aux autorités tunisiennes de mettre fin à la mise en cause de l'Association des Magistrats Tunisiens (AMT) et à son indépendance;

3. Demande aux autorités tunisiennes de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre en oeuvre les actions prioritaires définies dans le plan d'action UE-Tunisie et notamment, le plein respect de la liberté d'association et de réunion et la liberté d'expression et d'opinion conformément au Pacte International relatif aux Droits civils et politiques des Nations Unies;

4. Demande, à cet égard, aux autorités tunisiennes de procéder à la reconnaissance légale de l'ensemble des ONG de droits de l'Homme non reconnues et de lever l'ensemble des poursuites judicaires à leur encontre ou à l'encontre de leurs membres; demande également aux autorités tunisiennes de garantir la liberté de circulation à toutes les personnes privées arbitrairement de leur passeport et en particulier, les défenseurs des droits de l'homme;

5. Demande aux autorités tunisiennes de permettre notamment, à la veille du SMSI, la libre circulation de l'information et en particulier, l'accès aux sites Internet des organisations des droits de l'homme, des partis politiques, des forums de discussions et des blogs tunisiens;

6. Prie instamment le Conseil et la Commission de prendre toutes les mesures nécessaires auprès du gouvernement tunisien pour que la LTDH, l'Association des Femmes Tunisiennes pour la Recherche et le Développement (AFTURD) et Santé Sud puissent recevoir les fonds européens dont elles sont bénéficiaires; considère que ces blocages s'inscrivent dans le cadre des pressions constantes exercées sur les organisations indépendantes en Tunisie;

7. Demande aux autorités tunisiennes, conformément au plan d'action UE-Tunisie, de renforcer l'indépendance de la Justice et le droit à la défense, d'améliorer les conditions de détention et de vie carcérale et de poursuivre la réforme du système judiciaire notamment en matière d'accès à la justice; rappelle, à cet égard, l'importance du projet "modernisation de la justice" financé par le programme MEDA 2004-2006 qui, prioritairement, devrait renforcer les garanties de l'indépendance de la Justice;

8. Demande, dans cet esprit, aux autorités tunisiennes de libérer les personnes condamnées de manière arbitraire dans, notamment, l'affaire dite des Internautes de Zarzis;

9. Demande aux autorités tunisiennes de libérer tous les prisonniers d'opinion ainsi que toutes les personnes emprisonnées uniquement pour avoir exercé leur liberté d'expression, d'association ou de réunion; demande, en particulier, la libération de Maître Mohamed Abbou;

10. S'inquiète des conditions de détentions de Maître Abbou et des Internautes de Zarzis et des mesures de harcèlement et d'intimidation dont font l'objet leurs familles;

11. Demande au Conseil et à la Commission de prendre sérieusement en considération la question de la protection des défenseurs des droits de l'Homme et de leur famille dans le cadre de son plan d'action UE-Tunisie; prie par ailleurs la Commission, conformément à la recommandation n°2 de la Communication "Donner une nouvelle impulsion aux actions menées par l'UE dans le domaine des droits de l'homme et de la démocratisation, en coopération avec les partenaires européens", de dresser un état des lieux régulier sur cette question et de transmettre ces informations au Conseil ainsi qu'à sa commission des Affaires étrangères et en particulier à sa sous-commission des droits de l'Homme;

12. Demande à la Présidence de l'Union d'engager une action concertée sur les sujets de préoccupations mentionnés ci-dessus et tout particulièrement sur le harcèlement visant les défenseurs des droits de l'Homme et leur famille;

13. Demande au Conseil et à la Commission d'être vigilants sur la mise en oeuvre effective de la part des autorités tunisiennes des recommandations des Nations Unies en matière de droits de l'Homme; prie instamment le Conseil de demander à nouveau l'envoi, en Tunisie, de la Représentante spéciale des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l'Homme, du Rapporteur spécial sur la Torture et du Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et des avocats;

14. Demande la tenue dans les plus brefs délais du sous-comité droits de l'Homme UE-Tunisie afin de discuter de l'ensemble de la situation des droits de l'Homme et notamment, des cas individuels;

15. Prie sa délégation interparlementaire chargée des relations avec le Maghreb d'inclure dans son programme de travail la question de la protection des défenseurs des droits de l'homme en Tunisie;

16. Charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission, aux gouvernements et aux parlements des Etats membres, à la Commission des droits de l'Homme des Nations Unies ainsi qu'au gouvernement et au parlement tunisiens;

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