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Etat de droit en Russie

Proposition de résolution du Groupe des Verts/ALE

Le Parlement européen,

–   vu ses précédentes résolutions sur la Fédération de Russie, et notamment celles adoptées le 17 septembre 2009, le 12 novembre 2009, le 17 juin 2010 et le 21 octobre 2010,

–   vu l'accord de partenariat et de coopération (APC) entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et la Fédération de Russie, d'autre part, ainsi que les négociations engagées en 2008 en vue de l'adoption d'un nouvel accord UE-Russie,

–   vu les consultations sur les droits de l'homme entre l'Union européenne et la Russie,

–   vu la résolution 1738 (2010) de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe du 22 juin 2010 sur les recours juridiques en cas de violations des droits de l'homme dans la région du Caucase du Nord et le rapport de la commission des affaires juridiques et de la sous-commission "droits de l'homme" du 4 juin 2010 sur le même sujet,

–   vu le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, en particulier son article 14, qui dispose que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi, pacte auquel la Russie est partie depuis 1973,

–   vu la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en particulier son article 6, qui dispose de la même manière que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, convention à laquelle la Russie est partie depuis 1998,

–   vu la Constitution de la Russie, en particulier son article 118 qui dispose que la justice dans la Fédération de Russie est administrée uniquement par les tribunaux, et son article 120 qui dispose que les juges sont indépendants et uniquement subordonnés à la Constitution russe et au droit fédéral,

–   vu les communiqués de presse publiés par le président du Parlement européen, Jerzy Buzek, le 3 octobre 2010 à l'occasion du sixième anniversaire de la tragédie de Beslan, le 6 octobre 2010 à l'occasion du quatrième anniversaire de l'assassinat d'Anna Politkovskaïa et sur la condamnation de Mikhaïl Khodorkovski et Platon Lebedev, et le 10 octobre 2010 sur l'attentat suicide perpétré à Vladikavkaz, dans le Caucase du Nord,

–   vu la déclaration de la vice-présidente de la Commission/haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité sur l'affaire Khodorkovski/Lebedev du 30 décembre 2010,

–   vu l'article 110, paragraphe 2, de son règlement,

A. considérant que plusieurs procès et procédures judiciaires ces dernières années ont remis en question l'indépendance et l'impartialité des institutions judiciaires de la Fédération de Russie; considérant que l'ingérence politique, les défaillances procédurales, la corruption, les ententes, l'inéquité et les menaces à l'égard des témoins continuent d'entraver gravement l'administration de la justice en Russie,

B.  considérant que les enquêtes sur les violations des droits de l'homme sont souvent inefficaces, entachées d'erreurs et ne débouchent que sur l'impunité; considérant que le manque de transparence des actes officiels permet des abus multiples,

C. considérant qu'il n'a toujours pas été rendu de comptes sur les décès d'Anna Politkovskaïa, de Natalia Estemirova, d'Anastasia Barburova, de Stanislav Markelov et de Sergueï Magnitsky, et que le harcèlement judiciaire dont font l'objet Mikhaïl Khodorkovski, Platon Lebedev, Oleg Orlov, Igor Vladimirovitch Izmestiev, Mikhaïl et Larissa Cheprunov, Aleksandr Kalistratov, Alexeï Sokolov et Alexeï Nikiforov a été signalé à de nombreuses occasions,

D. considérant que Mikhaïl Khodorkovski et son associé Platon Lebedev ont été jugés coupables de détournement de fonds par le tribunal moscovite du district de Khamovniki le 30 décembre 2010; considérant que les poursuites, le procès et le verdict ont été décrits internationalement comme ayant des motifs politiques; considérant que l'ingérence politique et les pressions exercées ont été vivement critiquées par la communauté internationale,

E.  considérant que, le 28 décembre 2010, Igor Vladimirovitch Izmestiev a été condamné à la prison à perpétuité par le tribunal municipal de Moscou; considérant que M. Izmestiev est le premier sénateur à recevoir une condamnation à perpétuité; considérant que des inquiétudes ont été exprimées au niveau international au vu des irrégularités procédurales et de l'ingérence politique constatées,

F.  considérant que le déroulement des poursuites à l'encontre de Mikhaïl Khodorkovski et de Platon Lebedev ainsi que l'absence d'enquêtes sur les décès de Sergueï Magnitsky, d'Anna Politkovskaïa, de Natalia Estemirova et de Stanislav Markelov entachent l'image de la Russie à l'étranger,

G. considérant que la résolution du Parlement européen sur les droits de l'homme dans le monde en 2009 et la politique de l'Union européenne en la matière, du 21 octobre 2010, invitait le Conseil de l'UE à envisager d'interdire l'entrée sur le territoire aux responsables russes impliqués dans le décès de Sergueï Magnitsky et d'imposer un gel de leurs avoirs, si aucune enquête n'était ouverte; considérant que, dans la même résolution, le Parlement européen jugeait que l'affaire Magnitsky constituait un exemple criant des graves défaillances du système judiciaire en Russie,

H. considérant que l'utilisation intensive de la loi russe sur les activités extrémistes a servi à cibler les militants des droits de l'homme, les opposants politiques et les groupes religieux; considérant que cette loi est vague dans sa terminologie et dans son contenu et qu'elle est employée de façon arbitraire; considérant que les articles 280, 281 et 282 du Code pénal russe soulèvent beaucoup de préoccupations à cet égard; considérant que les procès sur l'extrémisme et les articles susmentionnés montrent des défaillances et des manipulations de la procédure judiciaire; considérant qu'en 2010, la liste fédérale des matériaux extrémistes a été mise à jour 27 fois, avec un total actuel de 748 entrées, et que la liste des organisations extrémistes a été mise à jour en 2010, avec un total actuel de 18 organisations,

I.   considérant que la Cour européenne des droits de l'homme a condamné la Fédération de Russie pour de graves violations des droits de l'homme dans le Caucase du Nord dans plus de 150 arrêts; considérant que l'exécution de ces arrêts demeure gravement insuffisante; considérant que la responsabilité de la non-exécution des arrêts incombe pour une part considérable aux institutions et autorités judiciaires,

J.   considérant que les institutions judiciaires et d'application des lois n'ont pas su mettre fin à l'impunité généralisée qui entoure les violations des droits de l'homme commises dans le Caucase du Nord; considérant qu'aucun recours juridique n'a été assuré pour les graves violations des droits de l'homme, les attentats, les meurtres, les disparitions forcées et les cas de mauvais traitement et de détention arbitraire dans certaines régions du Caucase du Nord; considérant que la normalisation dans le Caucase du Nord est impossible si des comptes ne sont pas rendus en ce qui concerne les violations des droits de l'homme et si l'état de droit n'est pas rétabli,

K. considérant que des journalistes indépendants, des militants de la société civile, des avocats et des défenseurs des droits de l'homme dans la région ont souvent été victimes de menaces et d'actes de violence, de harcèlement et d'intimidations et que leurs activités ont été limitées ou restreintes par les membres des instances chargées de faire appliquer la loi,

L.  considérant que le président Medvedev a plaidé à de nombreuses occasions en faveur du renforcement de l'état de droit en déclarant que son devoir était de créer des tribunaux modernes complètement indépendants et qui correspondent au niveau de développement économique du pays,

M. considérant que le partenariat UE-Russie pour la modernisation, conclu lors du sommet UE-Russie du 7 décembre 2010, contient dans son programme de travail des propositions et des projets concrets de coopération et d'assistance dans le domaine des droits de l'homme et de l'état de droit,

N. considérant que l'Union européenne ne peut être en mesure de développer un véritable partenariat avec la Russie dans les domaines du commerce, de la sécurité et de la justice que si le respect de l'état de droit ainsi que de l'indépendance et de l'efficacité des institutions judiciaires est assuré,

O. considérant que les États membres de l'Union européenne n'ont pas réussi à élaborer une politique cohérente en matière de droits de l'homme à l'égard de la Russie; considérant que les incohérences et le manque de coordination dans la politique des droits de l'homme des États membres de l'Union ont eu pour un effet une position faible de l'Union en ce qui concerne la protection et la promotion des droits de l'homme en Russie,

1.  estime que le manque d'indépendance des institutions judiciaires est au cœur des problèmes d'impunité en Russie et exprime sa préoccupation face aux récits de procès organisés pour des motifs politiques, aux procédures inéquitables et à l'absence d'enquêtes sur des crimes graves tels que des meurtres, du harcèlement et autres violences;

2.  invite instamment les autorités judiciaires et les instances russes chargées de faire appliquer la loi à s'acquitter de leurs tâches avec efficacité, impartialité et indépendance afin de traduire les criminels en justice; demande aux autorités russes de veiller à ce que le principe d'un procès équitable soit respecté dans les poursuites à l'encontre de tous les accusés dans le système judiciaire du pays; invite instamment la Russie à entreprendre une révision approfondie de la législation nationale et des règles de pratique juridique;

3.  prie instamment les autorités judiciaires russes de traduire en justice les responsables de harcèlement et d'intimidation de journalistes, d'avocats et de défenseurs des droits de l'homme et de rendre les autorités responsables pour tout manquement à protéger et à garantir l'intégrité physique de ces individus conformément aux instruments internationaux et régionaux pertinents en matière de droits de l'homme;

4.  dénonce la condamnation prononcée, le 30 décembre, par le tribunal moscovite du district de Khamovniki à l'encontre de Mikhaïl Khodorkovski et de son associé Platon Lebedev pour détournement de fonds, comme étant motivée par des raisons politiques; condamne fermement l'ingérence politique qui a eu lieu dans le procès; déplore la multitude de manquements constatés dans les procédures judiciaires et condamne les pressions et menaces qui ont été exercées à l'encontre de témoins par le ministère public et qui lui ont été rapportées;

5.  considère qu'en bafouant l'état de droit, la deuxième condamnation de MM. Khodorkovski et Lebedev depuis 2005 porte un grave coup au respect de l'état de droit et vide de tout leur sens les déclarations ainsi que l'agenda pour la modernisation du Président de la Russie, Dmitri Medvedev;

6.  prend acte de la décision du président Medvedev de demander à des experts juridiques, dans le cadre du conseil présidentiel des droits de l'homme, de se pencher sur l'affaire Khodorkovski/Lebedev et Sergueï Magnitsky;

7.  fait part de son inquiétude au vu des irrégularités procédurales et de l'ingérence politique qui lui ont été rapportées dans l'affaire Igor Vladimirovitch Izmestiev et prie instamment le médiateur de la Fédération de Russie de rouvrir le dossier pour procéder à la révision des poursuites, du procès et de la condamnation;

8.  invite instamment le médiateur de la Fédération de Russie à commander une révision des charges et des procédures en cours au tribunal n° 363 du district moscovite de Khamovniki à l'encontre d'Oleg Orlov, lauréat 2009 du prix Sakharov du Parlement européen pour la liberté de l'esprit, président du centre de défense des droits de l'homme "Memorial", qui est accusé de diffamation envers le président tchétchène Ramzan Kadyrov après qu'il a déclaré qu'il tenait M. Kadyrov pour responsable de l'enlèvement et du meurtre d'un membre dirigeant de Memorial en Tchétchénie, Natalia Estemirova, le 15 juillet 2009 à Grozny; rappelle qu'aucune véritable enquête sur le meurtre susmentionné n'a été menée; fait observer qu'Oleg Orlov risque trois ans de prison;

9.  demande une nouvelle fois au Conseil, en l'absence de démarches positives des autorités russes afin de coopérer et d'enquêter sur l'affaire Sergueï Magnitsky, d'insister pour que les autorités russes traduisent en justice les responsables et d'envisager d'imposer que les responsables russes impliqués dans cette affaire se voient interdire l'entrée sur le territoire de l'Union européenne et encourage les services policiers et judiciaires de l'Union à coopérer pour geler les comptes bancaires et les autres avoirs de ces responsables dans tous les États membres de l'Union;

10. condamne le harcèlement judiciaire dont les personnes qui ont participé en toute légitimité à la manifestation de la "stratégie 31" font l'objet (rassemblements organisés pour appuyer l'article 31 de la Constitution russe garantissant la liberté de rassemblement en Russie); dénonce toutes les peines prononcées à l'encontre des manifestants et en particulier la condamnation à 15 jours de prison de l'ancien premier ministre Boris Nemtsov pour avoir participé à la manifestation de la "stratégie 31" au mois de décembre à Moscou;

11. invite instamment le Conseil à mettre pleinement en œuvre la résolution du Parlement européen visée plus haut sur les droits de l'homme dans le monde en 2009 et la politique de l'Union européenne en la matière, du 21 octobre 2010; invite le Conseil à présenter rapidement au Parlement un plan d'action en ce qui concerne la mise en œuvre du paragraphe 120 de cette résolution et à l'informer régulièrement de la progression de ladite mise en œuvre;

12. condamne l'utilisation intensive et l'abus de la loi russe imprécise sur la lutte contre les activités extrémistes par les institutions judiciaires, et en particulier du Code pénal russe, article 280 "Appels publics à la modification forcée du système constitutionnel de la Fédération de Russie", article 281 "Sabotage" et article 282 "Incitation à l'inimitié nationale, raciale ou religieuse";

13. condamne les 12 affaires pénales en cours concernant des témoins de Jéhova; dénonce en particulier le procès mené à l'encontre d'Aleksandr Kalistratov, président de l'organisation religieuse locale de Gorno-Altaïsk, pour distribution de littérature religieuse, basé sur l'article 282, paragraphe 1, du Code pénal russe qui condamne l'incitation à la haine ou à l'inimitié et le dénigrement de la dignité humaine; dénonce en outre les charges similaires retenues contre Mikhaïl et Larissa Cheprunov;

14. demande instamment au médiateur d'Ingouchie d'enquêter réellement sur la disparition de Zalina Idrisovna Elkhoroïeva et d'Israïl Torchkhoïev ces derniers mois ainsi que sur la torture pratiquée pendant la détention illégale d'Adam Khamkhoïev en Ingouchie;

15. demande à la Russie de traduire en justice les responsables des disparitions forcées ou des meurtres extrajudiciaires d'Ali Dzhaniev, Yusup Dobriev, Yunus Dobriev et Magomed Adzhiev, disparus depuis le 28 décembre 2009 à Saint-Pétersbourg, et de Zelimkhan Akhmetovitch Chibiev, Magomed Khaybulaïevitch Israpilov, Dzhamal Ziyanidovitch Magomedov, Akil Dzhavatkhanovitch Abdullaïev et Dovar Nazimovitch Asadov, disparus depuis la nuit du 24 au 25 septembre; demande également à la Russie de traduire en justice les responsables des menaces publiques à l'encontre du défenseur des droits de l'homme ingouche Magomed Mutsolgov et des graves agressions dont la défenseuse des droits de l'homme daghestane Sapiyat Magomedova a fait l'objet;

16. invite la Russie à traduire en justice les responsables de la détention illégale et de la torture d'Islam Umarpashaïev, un Tchétchène de 24 ans qui a été détenu illégalement du 11 décembre 2009 au 2 avril 2010;

17. souligne qu'une enquête exhaustive doit être menée pour trouver les responsables de la prise d'otages de Beslan du 1er au 3 septembre 2004; insiste sur la nécessité de rétablir les droits des victimes et des familles des victimes, et de leur accorder un dédommagement adéquat;

18. invite les autorités et les institutions judiciaires russes à mettre pleinement en œuvre tous les arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme et à protéger les plaignants du harcèlement et des menaces; souligne qu'une enquête indépendante et approfondie doit être menée dans les cas où la Cour européenne des droits de l'homme estime que les enquêtes réalisées jusqu'ici ne sont pas adéquates; soutient vivement les recommandations contenues dans le rapport de Dick Marty sur les recours juridiques en cas de violations des droits de l'homme dans la région du Caucase du Nord, du 4 juin 2010;

19. déplore la décision des autorités russes de refuser l'entrée dans le pays au correspondant du Guardian Luke Harding à son retour à Moscou le 5 février après un déplacement au Royaume-Uni, et de lui faire prendre un vol de retour pour Londres en dépit du fait qu'il était en possession de l'accréditation et du visa requis;

20. invite instamment la Russie à ratifier le Statut de Rome du Tribunal pénal international et la Convention des Nations unies pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et souligne l'importance de renforcer la compétence universelle pour veiller à ce que les graves violations des droits de l'homme ne restent pas impunies;

21. réitère son appel en faveur d'un renforcement des consultations relatives aux droits de l'homme pour les rendre plus efficaces et davantage axées sur les résultats, consultations auxquelles doivent participer les ministres russes de la justice et de l'intérieur et le ministre des affaires étrangères à Bruxelles et Moscou et auxquelles le Parlement européen doit être pleinement associé à tous les niveaux;

22. estime que le programme de travail du partenariat pour la modernisation comprend des avancées positives dans le domaine de l'état de droit ainsi que la mise en place d'un système de recours pour les affaires pénales et civiles, et souligne la nécessité de poursuivre le développement et l'élaboration du programme de travail dans le domaine des droits de l'homme, de l'état de droit et de la lutte contre la corruption;

23. souligne que l'état de droit doit être au cœur du nouveau cadre global de partenariat et de coopération conclu avec la Fédération de Russie, notamment au niveau de l'inclusion d'une clause des droits de l'homme opérationnelle;

24. invite instamment les États membres de l'Union à mettre en place une politique cohérente en matière de droits de l'homme à l'égard de la Russie, fondée sur le respect mutuel de l'état de droit, de la démocratie et des droits de l'homme;

25. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission et aux États membres, ainsi qu'au gouvernement et au parlement de la Fédération de Russie.

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