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Loi hongroise sur les médias

Proposition de résolution du Groupe des Verts/ALE

Le Parlement européen,

–   vu les articles 2, 6 et 7 du traité sur l'Union européenne (traité UE), les articles 49, 56, 114, 167 et 258 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (traité FUE), l'article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, ainsi que d'autres dispositions du droit de l'Union européenne et du droit international ayant trait au respect, à la promotion et à la protection des droits fondamentaux et de la liberté d'expression et d'information, et en particulier au droit au pluralisme des médias,

–   vu la directive 2010/13/UE du 10 mars 2010 visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive "services de médias audiovisuels"),

–   vu la Charte européenne pour la liberté de la presse du 25 mai 2009 et le document de travail de la Commission sur le pluralisme des médias dans les États membres de l'Union européenne (SEC(2007)0032), "l'approche du pluralisme des médias en trois étapes" définie par la Commission et l'étude indépendante réalisée pour le compte de la Commission et achevée en 2009,

–   vu sa résolution du 25 septembre 2008 sur la concentration et le pluralisme dans les médias dans l'Union européenne, celle du 22 avril 2004 sur les risques de violation de la liberté d'expression et d'information dans l'Union européenne et en particulier en Italie, et celle du 7 septembre 2010 intitulée "Journalisme et nouveaux médias – créer une sphère publique en Europe",

–   vu les déclarations de la Commission et les questions parlementaires posées ainsi que les débats tenus en séance plénière, le 8 octobre 2009, sur la liberté d'information en Italie et au sein de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures, le 17 janvier 2011, sur la loi hongroise sur les médias,

–   vu la décision de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures de demander à l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne de publier un rapport annuel comparatif, comprenant des indicateurs, sur la situation relative à la liberté, au pluralisme et à la gouvernance indépendante des médias dans les États membres,

–   vu la Convention de l'UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, et notamment son article 5, paragraphe 2, et ses articles 7 et 11,

–   vu l'article 110, paragraphe 2, de son règlement,

A.  considérant que l'Union européenne est fondée sur les valeurs de démocratie et de l'État de droit, comme l'énonce l'article 2 du traité sur l'Union européenne, et, dès lors, qu'elle garantit et défend la liberté d'expression et d'information inscrite à l'article 11 de la Charte des droits fondamentaux et à l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, valeurs dont la liberté et le pluralisme des médias constituent des conditions sine qua non; que ces droits englobent la liberté d'opinion et la liberté de recevoir et de transmettre des informations sans contrôle, ingérence ni pression de la part des pouvoirs publics,

B.  considérant que le pluralisme et la liberté des médias continuent d'être un sujet sérieux de préoccupation dans l'Union et dans ses États membres comme le démontrent les récentes critiques exprimées à l'encontre des lois sur les médias et des modifications de la Constitution en Hongrie, promulguées entre juin et décembre 2010, par des organisations internationales comme l'OSCE et le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, des organisations professionnelles de journalistes, rédacteurs et éditeurs, des ONG actives dans le domaine des droits de l'homme et des libertés civiles, ainsi que par des États membres et la Commission,

C. considérant que la Commission a émis des doutes et a demandé des informations au gouvernement hongrois quant à la conformité des lois hongroises sur les médias avec la directive "services de médias audiovisuels" et l'acquis en général, eu égard notamment à l'obligation d'une couverture équilibrée applicable à l'ensemble des fournisseurs de services de médias audiovisuels, au principe du pays d'origine et aux exigences en matière d'enregistrement; que le gouvernement hongrois a répondu en fournissant davantage d'informations sur ces questions et en se déclarant disposé à réviser ces lois et à les amender,

D. considérant que l'OSCE a émis de sérieux doutes quant au champ d'application matériel et territorial des dispositions législatives hongroises, à la liberté d'expression et à la teneur de la législation, à la nomination d'une seule et même personne incarnant l'autorité nationale des médias et des télécommunications, à la diffusion des médias de service public(1), indiquant que la nouvelle législation compromet le pluralisme des médias, supprime l'indépendance politique et financière des médias de service public et grave dans le marbre des éléments négatifs pour la liberté des médias sur le long terme, et que l'Autorité des médias et le Conseil sont politiquement homogènes(2) et exercent un contrôle gouvernemental et politique centralisé et envahissant sur tous les médias; que d'autres inquiétudes sont soulevées, entre autres, par les sanctions disproportionnées et extrêmes infligées pour des raisons discutables et floues, l'absence d'une suspension automatique des sanctions en cas de recours en justice introduit contre une sanction prononcée par l'Autorité des médias, la violation du principe de confidentialité des sources journalistiques et la protection des valeurs de la famille,

E.  considérant que le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe a demandé aux autorités hongroises de tenir compte, lors du réexamen de la législation sur les médias, des normes du Conseil de l'Europe sur la liberté d'expression et le pluralisme des médias, des recommandations pertinentes du Comité des ministres et de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, et notamment des normes contraignantes qui figurent dans la Convention européenne des droits de l’homme et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme; qu'il a épinglé l'utilisation de définitions peu claires qui peuvent donner lieu à de mauvaises interprétations, la création d’un mécanisme de régulation déséquilibré d’un point de vue politique et doté de pouvoirs disproportionnés, qui n’est pas soumis à un contrôle judiciaire suffisant, des menaces pesant sur l’indépendance des médias audiovisuels de service public et l’érosion de la protection des sources utilisées par les journalistes; que le commissaire a également souligné que tous les acteurs intéressés, y compris les partis d’opposition et la société civile, doivent être véritablement associés au réexamen des dispositions de cette législation, car elles régissent un aspect tout à fait fondamental du fonctionnement d’une société démocratique(3),

 

F.  considérant que, par conséquent, la législation hongroise sur les médias devrait, d'urgence, faire l'objet d'un réexamen sur la base des observations et des propositions de la Commission, de l'OSCE et du Conseil de l'Europe afin de garantir qu'elle soit pleinement conforme à la législation de l'Union et aux valeurs et aux normes européennes sur la liberté, le pluralisme et la gouvernance indépendante des médias,

G. considérant que, malgré ses appels répétés en faveur d'une directive sur la liberté, le pluralisme et la gouvernance indépendante des médias, la Commission a jusqu'à présent différé la publication d'une telle proposition, qui devient de plus en plus nécessaire et urgente,

H. considérant que les critères de Copenhague définissant les conditions d'adhésion à l'Union, arrêtés lors du Conseil européen de Copenhague tenu en juin 1993 et relatifs à la liberté de la presse et à la liberté d'expressions, devraient être respectés par tous les États membres au sein de l'Union et leur mise en œuvre, garantie par une législation pertinente de l'Union,

I.   considérant que la Cour de justice a déclaré, dans les affaires jointes C-39/05 P et C‑52/05 P, points 45 et 46, que l'accès à l'information permet une meilleure participation des citoyens au processus décisionnel ainsi qu'une plus grande légitimité, efficacité et responsabilité de l'administration à l'égard des citoyens dans un système démocratique et qu'elle constitue "une condition de l’exercice effectif, par ces derniers, de leurs droits démocratiques",

J.   considérant que des inquiétudes ont été soulevées non seulement en raison de la législation hongroise sur les médias, mais aussi de l'affaiblissement de la Cour constitutionnelle, ainsi que du processus et des projets de révision de la Constitution, qui abolissent des obligations visant à la protection du pluralisme des médias et définissent le rôle des médias de service public comme étant de contribuer à "préserver l’identité nationale et européenne [du pays], à conserver et enrichir la langue hongroise et celles des minorités, à renforcer la cohésion nationale et à satisfaire les besoins des communautés nationales, ethniques et religieuses ainsi que ceux des familles"; qu'il est possible que la "famille" y soit définie comme étant une entité composée d'un homme et d'une femme, interdisant ainsi le mariage entre personnes du même sexe, que la vie du fœtus soit décrite comme débutant dès la conception, qu'une référence aux racines chrétiennes de la nation hongroise soit ajoutée, que des réformes de la Cour constitutionnelle soient menées et que soit instituée une seconde chambre composée de représentants de l'église, d'organisations de défense d'intérêts et de professionnels, etc.,

1.  relève l'initiative de la Commission consistant à demander des précisions sur la législation hongroise sur les médias et sur sa conformité avec les traités et la législation de l'Union, ainsi que l'annonce des autorités hongroises se déclarant disposées à amender la loi en question; regrette le fait que la Commission se soit limitée à examiner uniquement trois aspects de la mise en œuvre de l'acquis par la Hongrie, et notamment l'absence de référence à l'article 30 de la directive "services de médias audiovisuels", limitant de la sorte sa propre compétence de contrôle du respect par la Hongrie de la Charte des droits fondamentaux dans la mise en œuvre de la législation de l'Union;

2.  regrette que la Commission n'ait pas abordé les questions centrales que sont la pyramide administrative unique de gouvernance des médias, les dispositions arbitraires régissant l'octroi de licences, les sanctions disproportionnées et les autres motifs généraux de préoccupation en ce qui concerne les systèmes d'audit sur place, la protection de la sphère privée et des secrets commerciaux, la protection des sources journalistiques et la responsabilité des intermédiaires internet; invite instamment la Commission à examiner le respect par la Hongrie du régime de responsabilité de la directive 2000/31/CE sur le commerce électronique et la transposition par ce pays des décisions-cadres sur la lutte contre certaines formes et manifestations de racisme et de xénophobie au moyen du droit pénal (2008/913/JAI) et sur la lutte contre le terrorisme (2002/475/JAI), qui comportent des références à la liberté d'expression et aux contournements des règles en matière de liberté des médias;

3.  invite les autorités hongroises à suspendre la mise en œuvre de la nouvelle législation sur les médias, étant donné que, en dépit de la majorité législative des deux tiers dont dispose le gouvernement, il n'est pas en droit de décider seul de questions relevant de la liberté des médias, et, en lieu et place, à reprendre le processus législatif depuis le début au sein de forums de discussion paritaires dans lesquels l'opposition et la société civile seraient représentées, en vue d'améliorer cette législation sur la base des observations et des propositions formulées par le Parlement européen, la Commission, l'OSCE et le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, des recommandations du Comité des ministres et de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe ainsi que de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne et de la Cour européenne des droits de l'homme;

4.  invite les autorités hongroises à rétablir l'indépendance de la gouvernance des médias par l'intermédiaire d'une représentation politique paritaire et de la participation d'associations de journalistes, tout en limitant exclusivement à l'audiovisuel la gouvernance des médias et en levant le contrôle qu'elles exercent sur la presse et l'internet; les invite également à rétablir les garde-fous constitutionnels relatifs au pluralisme des médias et un véritable contrôle judiciaire par l'intermédiaire d'un droit de recours auprès de juridictions ordinaires, à limiter exclusivement à la télévision les interférences étatiques qui affectent la liberté d'expression, en lien avec une couverture équilibrée, à protéger le journalisme d'investigation en respectant la confidentialité des sources et en levant toute obligation en matière de contenu des informations, à abolir l'enregistrement en tant que condition préalable à toute activité et à respecter le principe du pays d'origine inscrit dans la directive "services de médias audiovisuels";

5.  invite les autorités hongroises à associer toutes les parties prenantes à la révision de la Constitution, qui constitue la base d'une société démocratique dans un État de droit grâce à un équilibre des pouvoirs approprié afin de garantir les droits fondamentaux de la minorité face à l'éventuelle tyrannie de la majorité;

6.  invite la Commission à fixer un délai ferme aux autorités hongroises pour qu'elles modifient la législation, eu égard aux points soulevés par l'OSCE, le Conseil de l'Europe, la Commission et le Parlement européen, et, si ce délai n'est pas respecté, à engager une procédure d'infraction;

7.  demande à la Commission, sur la base de l'article 225 du traité FUE, de présenter, d'ici la fin de l'année, une proposition législative sur la liberté, le pluralisme et la gouvernance indépendante des médias, ce qui compenserait les déficiences du cadre législatif de l'Union sur les médias, en faisant usage de ses compétences dans les domaines du marché intérieur, de la politique audiovisuelle, de la concurrence, des télécommunications, des aides publiques, des obligations de service public et des droits fondamentaux de toutes les personnes présentes sur le territoire de l'Union afin de fixer au moins les normes minimales indispensables que tous les États membres seront tenus de mettre en œuvre et de respecter dans leur législation nationale pour garantir, sauvegarder et promouvoir la liberté de l'information ainsi qu'un degré approprié de pluralisme et d'indépendance de la gouvernance des médias;

8.  invite la Commission et le Conseil à veiller à ce que les valeurs démocratiques, dont la liberté des médias, soient respectées dans l'Union et demeurent au cœur des préoccupations de sa politique extérieure; les incite en parallèle à continuer à exprimer leur soutien aux défenseurs de la liberté des médias dans et en dehors de l'Union;

9.  rappelle la possibilité dont dispose le Parlement européen d'entamer la procédure prévue à l'article 7, paragraphe 1, du traité UE en vue de déterminer s'il existe un risque clair de violation grave par la Hongrie des valeurs visées à l'article 2 du même traité, telles que le respect de la liberté, de la démocratie et des droits de l'homme;

10. conseille à sa commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures et à sa commission de la culture et de l'éducation d'élaborer un rapport sur le train de mesures législatives sur les médias adoptées par la Hongrie;

11. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission, ainsi qu'au Conseil de l'Europe, aux gouvernements et aux parlements des États membres, à l'Agence des droits fondamentaux et à l'OSCE.

 

(1)

Analyse et évaluation d'un train de mesures législatives et d'un projet de loi hongrois sur les médias et les télécommunications, élaborées par M. Karol Jakubowicz pour l'OSCE.

 

(2)

Lettre du représentant de l'OSCE sur la liberté des médias adressée le 14 janvier 2011 au président de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures.

(3)

http://www.coe.int/t/commissioner/News/2011/110201Hungary_en.asp.

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