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Conseil européen du printemps 2007 en relation avec la stratégie de Lisbonne

Proposition de résolution des Verts/ALE

déposée par Rebecca Harms et Pierre Jonckheer au nom du groupe Verts/ALE

Le Parlement européen,

– vu l'article 103, paragraphe 2, de son règlement,

1. invite le Conseil européen du printemps 2007 à faire preuve d'audace dans les actions qu'il prendra à la suite du rapport remis le 2 février par le Groupe d'experts intergouvernemental des Nations unies sur l'évolution du climat et le prie instamment d'adopter des orientations claires pour que la lutte contre les changements climatiques constitue l'objectif stratégique des politiques de l'Union et pour la doter des moyens financiers voulus;

2. invite la Commission et le Conseil à faire preuve d'audace pour consolider la gouvernance internationale en matière d'environnement et à mettre en place, sous l'égide des Nations unies, une organisation internationale à part entière chargée d'appuyer et de surveiller la mise en oeuvre des décisions relatives à l'environnement à travers le monde;

Changements climatiques, énergie et transports

3. prie instamment le Conseil européen du printemps 2007 de décider de toute urgence:

a) d'appliquer au plus vite des mesures permettant de limiter l'augmentation moyenne de la température mondiale à 2° C au-dessus du niveau antérieur à l'ère industrielle et d'imprimer un rythme nettement supérieur aux négociations internationales portant sur la période postérieure à 2012 afin qu'un accord respectant cet objectif de 2° C puisse être conclu pour la fin de 2008 au plus tard, ainsi que de convenir en particulier d'une réduction de 30 %, d'ici 2020, des émissions de gaz à effet de serre des pays industrialisés par rapport aux chiffres de Kyoto;

b) d'adopter, pour l'Union européenne, des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 30 % au moins d'ici 2020 et de 80 % d'ici 2050 par rapport à leur niveau de 1990 afin de respecter la limitation de 2° C;

c) d'accorder la priorité absolue aux économies d'énergie dans la mesure où leur contribution au développement durable peut faire la différence; de parvenir, d'ici 2020, à 20 % au moins d'économies d'énergie primaire afin que l'Union européenne soit, à cette date, l'économie la plus économe en énergie; de proposer, pour juin 2007, d'ambitieux programmes d'action nationaux en matière d'efficacité énergétique et de les appliquer immédiatement; d'inviter la Commission à compléter ces programmes par des actions concrètes contraignantes permettant à l'Union de remplir l'objectif d'une économie d'énergie de 20 %;

d) d'apporter, dans sa stratégie en faveur du climat et des économies d'énergie, une solution au secteur des transports, qui dépend à 96 % du pétrole et qui est responsable de 30 % des émissions de l'Union; de définir, pour le secteur européen des transports, un objectif absolu d'émissions de gaz à effet de serre de 30 % d'ici 2020 afin de respecter les objectifs de Kyoto retenus par l'Union; de réduire de 1 % par an la part des modes de transports tels que voitures, poids lourds ou avions, dont les émissions accélèrent les changements climatiques, au profit de moyens de transports plus écologiques tels que le rail ou les transports fluviaux durables; de prendre des mesures de réduction des déplacements et d'amélioration de l'efficacité énergétique des moyens de transport, notamment en interdisant aux nouveaux véhicules du parc automobile européen de dépasser, d'ici 2012, le seuil de 120 g de CO2 au kilomètre, ce à quoi l'industrie automobile s'était elle-même engagée en 1998, sans y parvenir, et ce qui pourrait s'accompagner d'un échange de quotas d'émissions entre constructeurs; de parvenir ensuite, tous les deux ans, à une amélioration supplémentaire de l'efficacité d'au moins 10 g de CO2 au kilomètre, d'en internaliser le coût social et environnemental dans le prix des carburants, d'éliminer les subventions déloyales et les exemptions fiscales, notamment dans le secteur aérien, et d'imposer une taxe sur le kérosène afin que tous les modes de transport se trouvent dans des conditions de concurrence identiques;

e) de déterminer, en matière d'énergies renouvelables (électricité, production de chaleur et de froid, transports), des objectifs sectoriels obligatoires permettant d'atteindre une part de 25 % d'énergie primaire renouvelable d'ici 2020 et de définir, à l'échelon du Conseil et de la Commission, un programme permettant de parvenir à un taux de 50 % d'énergies renouvelables d'ici 2040; d'accepter que si les biocarburants ont un rôle à jouer dans la réduction de notre dépendance à l'égard des combustibles fossiles, leur production ne doit pas se faire aux dépens de la production alimentaire pas plus qu'elle ne doit avoir pour effet d'aggraver les changements climatiques, la déforestation mondiale, la perte de biodiversité ou les violations des droits de l'homme;

f) de mettre en place, dans le secteur de l'énergie, des conditions réellement identiques pour tous afin de permettre l'arrivée de nouveaux acteurs sur le marché et de faciliter l'introduction de nouvelles technologies et la décentralisation de la production d'énergie; de parvenir, dans chacun des États membres, à une dissociation intégrale de la propriété de la production et de la distribution d'énergie, d'accroître les compétences des organes nationaux de régulation et de mettre en place un organe européen de régulation exclusivement chargé de la résolution des problèmes transfrontaliers;

g) d'admettre que l'énergie nucléaire ne constitue pas une solution aux changements climatiques mondiaux, qu'elle présente de sérieux inconvénients (accidents majeurs, traitement des déchets, risques de prolifération et de terrorisme, impact sur la santé et l'environnement) et qu'elle n'a pas la faveur des citoyens européens; d'adopter des dispositions législatives pour que ce secteur internalise l'ensemble de ses coûts externes en assumant en particulier l'ensemble des responsabilités qui découlent de la production d'électricité;

Développement économique, emploi, intégration sociale et innovation

4. rappelle que la croissance économique n'est pas une fin en soi, que le PIB ou le RNB ne sont pas de bons indicateurs du bien-être de la population et que la croissance n'est qu'un moyen d'améliorer la qualité de l'existence de notre génération et des générations futures; demande, dès lors, instamment l'adoption d'indicateurs plus appropriés et invite le Conseil, les États membres et la Commission à évaluer également leurs politiques et leurs programmes nationaux à la lumière d'indicateurs tels que les émissions de CO2, l'intensité énergétique de leur économie, le taux de risque de pauvreté ou la perte de biodiversité;

5. estime que dans un monde dont les ressources sont limitées et dont l'écosystème est fragile, l'Union européenne devrait s'efforcer de devenir l'espace économique le plus économe en énergie et en ressources dans le monde; rappelle les conclusions du rapport Stern, qui décrivait le coût de l'inaction ou d'actions engagées avec retard dans ce domaine, et souligne l'énorme potentiel économique que représentent les technologies économes en énergie et les énergies renouvelables sur le marché mondial, que l'Europe est la mieux à même d'exploiter;

6. rappelle, à cet égard, les résultats d'une étude récemment entreprise pour la Commission (DG ENVI, août 2006), qui soulignent le rôle essentiel des éco-industries pour l'économie européenne en termes d'emploi et d'exportations et qui estiment le chiffre d'affaire global de ce secteur à 227 milliards d'euros par an dans les 25 États membres (2,2 % du PIB) et le total des emplois directs ou indirects qui en découlent à 3,4 millions de postes à plein temps;

7. estime qu'avec ses quatre libertés, le marché unique a besoin d'une dimension sociale forte; souligne, dans le domaine social et de l'emploi, les lacunes des objectifs de l'Agenda de Lisbonne en ce qui concerne la lutte contre la pauvreté et le chômage; demande que l'on déclare que la lutte contre l'exclusion sociale et la pauvreté figure à nouveau au coeur de la stratégie de Lisbonne et qu'elle doit être suivi d'effets; invite la Commission à considérer la mise en place d'un revenu décent pour tous comme un moyen de lutte contre la pauvreté et d'une meilleure intégration sociale;

8. rappelle que les services d'intérêt général sont au coeur du modèle de développement durable et qu'un instrument juridique transversal sur les services d'intérêt général est indispensable pour que les autorités publiques puissent continuer à développer, à financer et à organiser ces services, sans préjudice du principe de subsidiarité; souligne la nécessité d'une évaluation détaillée de l'impact de la législation sectorielle actuelle sur la qualité de l'offre de services d'intérêt général;

9. critique les restrictions que les États membres imposent toujours à la libre circulation des travailleurs, car elles sont contraires à la mobilité des travailleurs préconisée par la stratégie de Lisbonne et font de l'Union européenne un espace où tous les citoyens européens ne jouissent pas des mêmes droits; se félicite de la proposition de directive, présentée par la Commission, en matière de portabilité des droits à pension complémentaire, car il s'agit d'un vrai progrès en faveur de la mobilité des travailleurs; critique vivement la volonté du Conseil de soustraire du champ d'application de cette directive son principe essentiel, à savoir la portabilité des droits, et invite le Conseil de printemps à dégager des orientations claires pour sortir de cette impasse;

10. souligne qu'il est essentiel de suivre la mise en oeuvre de la directive sur les services, d'évaluer rapidement, et dans son intégralité, son impact sur les dispositions nationales en matière d'emploi, d'environnement et de protection des consommateurs, ainsi que de proposer, au besoin, une harmonisation plus poussée des modalités de prestation de services dans le marché intérieur;

11. demande que la question de l'égalité entre hommes et femmes soit mieux prise en compte dans la stratégie de Lisbonne et dans les grandes orientations des politiques économiques ainsi que dans les lignes directrices pour l'emploi; invite le Conseil, la Commission et les États membres à se montrer plus fermes dans l'application de la législation communautaire destinée à réduire les écarts de salaire et à éliminer la ségrégation entre les hommes et les femmes sur le marché de l'emploi;

12. estime que l'immigration est une nécessité, mais souligne qu'il faut mener des politiques d'immigration légale qui garantissent l'intégration économique, sociale et légale des migrants; demande des mesures permettant de contrer la fuite des cerveaux en Europe; souligne qu'une politique d'immigration visant à attirer les travailleurs les plus qualifiés risque de provoquer la fuite des cerveaux des pays d'origine, ce à quoi il faut s'opposer au moyen de dispositions appropriées;

13. estime qu'il est impossible d'apporter une solution aux problèmes économiques et au problème de l'emploi ni de relever les défis démographiques et environnementaux sans la mise en place d'un cadre macroéconomique approprié à l'échelon national et européen; souligne le rôle essentiel de l'impôt dans le financement des infrastructures économiques et sociales ainsi que des services publics; demande par conséquent au Conseil de printemps de déposer des propositions visant:

a) à réduire, par une action commune, le poids de l'impôt qui pèse sur le travail et à imposer davantage la dégradation de l'environnement et l'utilisation des ressources afin de corriger les mesures incitatives et de renforcer l'intérêt de l'emploi régulier;

b) à instaurer, à moyen terme, un impôt minimal sur les sociétés pour éviter toute concurrence fiscale entre les États membres et empêcher l'évasion fiscale des grandes entreprises, qui échappent souvent au paiement de leur dû et ont tendance à mettre les pays en concurrence (la fiscalité environnementale de secteurs tels que les transports devra être harmonisée à moyen terme à l'échelon européen);

c) à mettre en place une politique d'innovation stratégique qui intègrera l'efficacité énergétique, les économies d'énergie et l'utilisation des énergies et des matériaux renouvelables dans toutes les politiques, notamment en revoyant à la hausse le budget consacré à la recherche sur les énergies renouvelables, en particulier lors du réexamen à mi-parcours du 7e programme-cadre, et en réservant les aides publiques aux activités et aux technologies dont l'intérêt écologique est démontré; demande que les marchés publics deviennent un outil de premier ordre pour encourager l'émergence de bâtiments, de produits et de services économes en énergie;

Commerce mondial et politique de l'OMC

14. estime que l'accès au marché européen et la compétitivité de l'Europe à l'étranger doivent reposer sur des règles loyales de concurrence et de commerce multilatéral fondées sur la promotion des normes fondamentales du travail édictées par l'OIT, le respect des accords internationaux en matière d'environnement dans le monde entier et la logique des objectifs de développement des Nations unies; invite la Commission à adopter les dispositions voulues en matière commerciale, dont des ajustements fiscaux aux frontières, à l'encontre des pays industrialisés et émergents qui refusent d'assumer leur part de responsabilité dans la lutte contre les changements climatiques planétaires;

15. se dit préoccupé par la crise actuelle du système de commerce multilatéral et invite la Commission à présenter des propositions de réforme de l'OMC qui permettraient d'améliorer la légitimité et la responsabilité démocratique du système de commerce multilatéral; demande à la Commission et au Conseil de ne pas nuire au multilatéralisme par la conclusion d'accords de libre-échange bilatéraux et régionaux;

16. se dit préoccupé par le fait que la stratégie de Lisbonne en faveur de la compétitivité intérieure de l'Union soit subordonnée de factoaux objectifs de compétitivité de l'Union à l'étranger tels qu'ils sont exposés dans la communication de la Commission intitulée "Une Europe compétitive dans une économie mondialisée"; se dit opposé à une politique européenne de compétitivité exclusivement déterminée par les besoins de transactions à l'échelon mondial des multinationales installées en Europe, et ce au détriment des intérêts sociaux des travailleurs et des PME d'Europe, qui ont besoin d'une approche prudente de la concurrence mondiale; met en garde contre les projets de coopération réglementaire internationale car ils équivaudraient à donner aux multinationales et aux pays tiers un droit de regard sur la législation européenne en matière de barrières commerciales non tarifaires, lesquelles comprennent, selon la définition qu'en donne l'OMC, une part importante des droits sociaux et environnementaux et des droits des consommateurs ainsi que l'élaboration future d'instruments juridiques;

Gouvernance de Lisbonne et amélioration du processus législatif

17. demande, pour plus de transparence et une meilleure compréhension de la stratégie de Lisbonne, qu'un système commun de programmes nationaux de réforme soit mis en place et que des indicateurs communs soient définis pour pouvoir surveiller l'impact des politiques sur l'environnement (le climat, par exemple) ou la société (la santé des citoyens ou la cohésion sociale, par exemple); estime que les parlements nationaux devraient être pleinement associés à l'évaluation des programmes nationaux de réforme et que le Parlement européen devrait participer au processus et à la méthodologie d'évaluation par la Commission;

18. rappelle, à cet égard, que l'amélioration du processus législatif ne doit pas nuire à la protection des consommateurs ou se réduire à une simple réduction de l'encadrement législatif, mais qu'elle doit se traduire par une législation désormais plus efficace et une évaluation convenable des incidences des politiques menées par le passé;

19. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission.

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