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Donnons les milliards aux 99%

L’Union européenne a besoin d’urgence d’un impôt sur les plus-values

Les plus-values sont l’une des principales sources d’inégalité dans notre économie et, pour la grande majorité, ils ne sont pas imposés. Mais les plus-values (ou gains en capital), c’est quoi ? Qui en bénéficie ? Et pourquoi les taxer est-il un outil clé dans la lutte pour la justice économique ? Nous voulons vous donner un aperçu du sujet dans les prochains paragraphes et que d'ici la fin de votre lecture, vous soyez prêt·e·s à nous rejoindre dans la lutte pour un impôt sur les plus-values en Europe.

 

Alors, qu’est-ce qu’une plus-value et pourquoi sont-elles importantes?

 

Une plus-value, c’est le profit qui est fait lorsque la valeur de quelque chose possédé augmente par rapport à son prix initial. Il y a des plus-values réalisées et non réalisées, cela dépend du fait que vous ayez vendu votre actif et obtenu l’argent pour la valeur supplémentaire (réalisée) ou si vous conservez toujours l’actif pendant que sa valeur augmente (non réalisée).

Ainsi, par exemple, voir la valeur de sa maison ou de son sac à main de luxe acheté 200 000 euros augmenter à 500 000 euros revient à un gain non réalisé de 300 000 euros. En cas de vente de la maison ou du sac à main, alors le gain réalisé sera de 300 000 euros.

Ces plus-values peuvent être aussi élevées qu’un salaire annuel. Cependant, tandis que le salaire d’un travailleur est taxé chaque mois, les impôts sur les plus-values sont beaucoup plus bas.

Ainsi, alors qu’un travailleur gagnant un salaire brut annuel de 30 000 euros paiera en moyenne 39 % d’impôts et de sécurité sociale, la personne qui a réalisé 300 000 euros de profit en vendant une maison ne paiera presque pas d'impôts pour ce bénéfice (19% en moyenne dans l'UE). Avec les exonérations et les niches, l’impôt pourrait même être proche de 0%.

 

Alors, pourquoi les plus-values nous intéressent ? Vous l’avez deviné, parce que ce sont principalement des gens riches qui les fabriquent.

 

Nous sommes au milieu d’une crise économique, et il semble que nous n'ayons rien appris des erreurs du passé. Nous voyons la volatilité bancaire, l’inflation causée par la cupidité des entreprises, et en miroir des familles qui peinent à joindre les deux bouts. Au milieu de tout cela, il y a des gens qui profitent d’un système qui leur est hautement avantageux dans lequel ils peuvent s’enrichir à bas-coûts.

Parce que, bien sûr, des plus-values sont réalisées lorsque la valeur d’un actif physique augmente (pensez à une maison, à un sac de luxe, à des bijoux, à l’art, etc.), mais des plus-values peuvent également être réalisées lorsque la valeur d’un actif financier augmente. Le meilleur exemple est la valeur des actions d’une société. Donc, vous l’avez sûrement deviné: les actionnaires des sociétés faisant des superprofits, qui collectent leurs dividendes tous les trimestres, qui profitent d’une crise : ceux-là mêmes font des plus-values et ils paient très peu ou pas d’impôts.

Ainsi, le travailleur d’une entreprise d’énergie paiera des impôts sur son salaire annuel, mais un actionnaire de cette même société paiera peu ou pas d’impôts sur les bénéfices qu’il réalise sur ses actions (qu’il les vende ou non). Et encore une fois, les riches deviennent plus riches en jouant d’un système qui les favorise. Ce sont les 10% des ménages les plus riches qui possèdent des actions d’entreprises, et le prix des actions a augmenté plus rapidement que les salaires ou les prix de l’immobilier.

Oxfam nous a déjà montré dans son rapport annuel sur les inégalités que, depuis le début de la pandémie, l’écart entre les 1 % les plus riches et les 99 % restants a augmenté. Pour vous faire une idée de cet écart de richesse, sachez que pour tous les 100 euros créés dans l’économie européenne entre 2020 et 2021, 44 euros sont allés aux 1 % les plus riches et 9,6 euros aux 90 % les plus pauvres. En d’autres termes, les 1 % les plus riches ont amassé 4,5 fois plus de richesses que les 90 % des citoyens les plus pauvres de l’UE entre 2020 et 2021.

La seule chose que nous savons avec certitude, c’est que cet énorme écart n’est pas dû aux salaires ni au travail des plus riches. Il provient de leurs investissements et des plus-values qu’ils réalisent grâce à ces investissements. La majorité de la population n’est pas propriétaire de 5 appartements, ne possède pas de diamants dans un coffre-fort suisse ou n’a pas de parts dans les plus grandes sociétés pharmaceutiques. Avec l’imposition du travail qui est en moyenne de 39 % alors que la moyenne d’imposition des plus-values est de 19% (mais en réalité bien moindre), il est facile de voir comment les actionnaires profitent du système. En plus de cela, dans des pays comme le Danemark, ce sont les 1 % les plus riches qui reçoivent plus de la moitié de toutes les plus-values réalisées dans le pays. Autre exemple, en France, les 0,01 % les plus riches perçoivent 60 % de leurs revenus du capital, et ce capital est essentiellement constitué d’actifs financiers tels que des actions cotées en bourse.

 

Que veut-on ? Et que peut-on faire ?

 

La réponse est évidente. Nous devons taxer les plus-values réalisées et non réalisées !

La plupart des pays de l’UE ne le font pas ou laissent trop d’échappatoires pour bénéficier de taux encore plus bas. Par exemple, alors que l’Allemagne taxe un travailleur sans enfants qui gagne un salaire moyen à 47,8 %[1] (et en Belgique même au-dessus de 50 %), des pays comme la Belgique, le Luxembourg, la Slovénie, la Slovaquie et la Tchéquie sont des paradis fiscaux pour les plus-values avec un taux de 0 %. Ce n’est pas un hasard si certains milliardaires français possèdent leurs actifs en Belgique. Et encore, ce n’est que pour les plus-values réalisées. Quand il s’agit de plus-values “non-réalisées”, presque aucun pays de l’UE ne les impose.

Et nous ne sommes pas seuls. En mars 2023, le président Joe Biden a proposé d’imposer les plus-values réalisées au même niveau que les salaires; ce qui équivaudrait à une augmentation du taux d’imposition des plus-values de 20 % à 39 %.

Au sein de l’UE, nous devons aller dans la même direction. Et nous devons le faire d’urgence. Nous ne pouvons pas permettre à l’UE de donner plus de pouvoir aux actionnaires qu’aux travailleurs.

C’est pourquoi, en tant que groupe des Verts/ALE, nous demandons à la Commission européenne d’établir un impôt réel et minimal sur les plus-values dans l’UE. Cet impôt affecterait à la fois les plus-values réalisées et non réalisées des actions cotées, ce qui signifie qu’il s’appliquerait aux actions de multinationales. Nous l’avons dit à maintes reprises, les ménages les plus riches tirent la majorité de leur richesse des plus-values provenant d’actifs financiers comme les actions.

Notre proposition est simple et fonctionne sur une règle de base. Le travail ne peut pas continuer à être plus imposé que le capital. Les 90 % les plus modestes ne peuvent pas payer pendant que les plus riches s’enrichissent en profitant du système. Nous voulons présenter un impôt minimum de 40 % sur les plus-values. Il s’agit de la première étape pour nous assurer de lutter contre les inégalités, pour mettre les travailleurs au centre et pour cesser de protéger les actionnaires. Voyons ce que cela donnerait dans la pratique. Si nous prenons les plus-values des actions négociées des entreprises les plus polluantes (Exxon, Shell, Total et BP), nous pouvons obtenir près de 140 milliards de dollars avec notre impôt[2]. Cela représente presque 3 fois les dépenses publiques espagnoles en matière d’éducation. Et on ne parle que de 4 entreprises.

Le potentiel de notre taxe est énorme et nous savons que l'UE et ses citoyens ont besoin de cet argent. Les recettes provenant de l’impôt sur les plus-values profiteraient grandement au budget de l’UE et aux budgets des États membres pour lutter contre les inégalités à ces deux niveaux.

Notre proposition répond à l’urgence d’apporter plus d’équité à nos sociétés. La richesse doit être mieux taxée et redistribuée. Nous ne pouvons pas vivre dans des sociétés où les 10 % les plus riches possèdent plus de la moitié de la richesse totale. Nous ne pouvons pas vivre dans des sociétés où nous accordons la priorité aux riches, au détriment des personnes qui les font réellement fonctionner. Nous ne pouvons pas vivre dans des sociétés où les enseignants, les infirmières, les chauffeurs d’autobus ou les travailleurs du bâtiment sont taxés 2 à 3 fois plus que les actionnaires. Il est temps de changer le système et d’introduire un impôt équitable sur les actionnaires.

 

 

[1] Ce pourcentage est basé sur la méthodologie du coin fiscal utilisée par l’OCDE. Le coin fiscal est défini comme le total des impôts sur le travail payés par les salariés et les employeurs, moins les prestations familiales, en pourcentage du coût du travail. Si l’on considère uniquement l’impôt net moyen payé par les travailleurs, le chiffre moyen pour l’Allemagne serait d’environ 36 % (en tenant en compte les cotisations sociales).

[2] Ce calcul a été effectué en comparant l’augmentation de la capitalisation boursière des quatre entreprises entre la fin de l’année 2021 et la fin de l’année 2022. Ces quatre entreprises ont vu la valeur de leurs actions augmenter de manière significative en 2022. Leurs actions ont également continué à augmenter pendant le premier trimestre de 2023.

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