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Des changements de paradigme juridique pour un droit de l'environnement rénové

Une étude à l'initiative du Groupe de Travail Transition Ecologique

L’ÉTUDE

La situation actuelle, sur les plans écologique et sanitaire, appelle à une prise de conscience existentielle : celle de l’interdépendance du vivant humain et non humain et de tout ce qui l’entoure.

Ces dernières semaines, les victoires climatiques devant les tribunaux se multiplient. En France, en Allemagne, aux Pays-Bas, ou encore en Australie, les Etats comme les entreprises se retrouvent face à leurs responsabilités climatiques. Les citoyen.nes utilisent le droit, à raison, pour faire avancer la cause climatique et environnementale. Si les citoyens souhaitent faire évoluer le droit par les tribunaux, il est aussi possible et nécessaire d’opérer un réel changement dans les textes de notre appréhension juridique du vivant.

Alors que l’Union européenne s’engage dans le Green Deal, elle ne peut se départir d’une réflexion globale sur notre droit. A l’heure de la crise écologique, l’Europe est-elle capable d’adapter son droit, son système juridique et ses traités pour y faire face ? Comment l’UE peut-elle opérer ce “changement de paradigme pour un droit de l’environnement renové” ? Tel est l’enjeu de cette étude conduite par Véronique Jaworski et Marie-Pierre Camproux : tracer des pistes de réforme pour que le droit de l’Union puisse impulser et transcrire une nouvelle relation des sociétés humaines avec le Vivant.

Le droit de l’environnement, tel qu’il existe actuellement dans les Etats européens comme dans le droit communautaire, est basé au contraire sur une vision anthropocentrée du monde, détachant l’humain du non-humain et ne visant la protection de ce dernier que lorsque des intérêts humains, notamment économiques, sont en jeu. Cette approche a montré ses limites, échouant à endiguer la chute de la biodiversité, la destruction de notre maison commune, la Terre.

Avec cette étude, les chercheuses montrent l’importance de repenser notre droit pour garantir un rééquilibrage des rapports entre l’homme et la nature. Elles proposent ainsi, d’une part, une réforme du droit pénal de l'environnement au niveau national et européen et la reconnaissance de deux infractions : les écocides et la mise en danger de la sûreté de la planète ; et d'autre part, la reconnaissance des communs naturels et du préjudice écologique.

Cette étude a été rédigée par Marie-Pierre Camproux Duffrène, professeure en droit privé à l’Université de Strasbourg, et Véronique Jaworski, maître de conférences en sciences criminelles à l’Université de Strasbourg, pour le Groupe des Verts/ALE au Parlement européen.

 

Q&A

Comment appréhender juridiquement la notion de communs naturels ?

Tel que présenté dans cette étude, les communs naturels regroupent ensemble, dans un tout indissociable, “un tissu de relations d’interdépendances entre des entités naturelles humaines et non humaines”. Une approche juridique basée sur les communs naturels permet ainsi de dépasser la pensée occidentale et son approche individualiste, basée sur la propriété exclusive. Les chercheuses précisent la différence fondamentale entre le concept de “commun naturel”, qui englobe dans un tout tant la communauté humaine que non humaine, du concept de “bien commun”, qui sépare ces biens de l’humanité, à laquelle ils appartiennent.

Juridiquement, l’objet d’un commun naturel est qualifié d’inappropriable (excluant la possibilité d’un accaparement ou d’une destruction de cet objet), il est susceptible d’un usage commun à tous, non exclusif et partagé, obligeant chacun à la conservation de cet objet.

L’objectif de cette approche est donc avant tout d’améliorer la protection de l’environnement. Ainsi, l’étude propose également des pistes pour identifier l’intérêt du commun, différent tant d’une somme d’intérêts individuels que de l’intérêt général, pour pouvoir défendre cet intérêt en justice.

 

Qu’implique la reconnaissance du préjudice écologique dans le droit ?

La loi française n° 2016-1087 du 8 août 2016 sur la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a consacré de manière inédite une action en réparation du préjudice écologique, défini comme « l’atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement

Cette innovation juridique symbolise le début d’un changement de paradigme, visant à réparer les dommages environnementaux en tant que tels, et non pas parce qu’ils sont liés à une autre forme de préjudice pour des individus ou entités humaines. En ce sens, l’introduction en droit français de la réparation judiciaire du préjudice écologique constitue un premier pas important pour mettre fin à l’approche anthropocentrée du droit de l’environnement, et une illustration concrète de la théorie des communs naturels.

Son extension au niveau de l’Union européenne pourrait, selon les chercheuses, apporter grandement à la protection de l’environnement. 

 

Qu’est-ce qu’un écocide ?

L’étude propose également de reconnaître deux nouvelles infractions dans le droit pénal : face au risque de destruction de l’environnement, un délit “de risque causé à la sûreté de la planète”, qui doit permettre de prévenir les atteintes à l’environnement. Et lorsque ce risque s’est réalisé, un crime d'écocide, qui doit permettre de condamner les responsables des plus graves crimes contre l’environnement.

La chercheuse Véronique Jaworski définit l’écocide comme “un endommagement grave et étendu d’un ou de plusieurs écosystèmes ou leur destruction, qui peut avoir des conséquences sur plusieurs générations.” Le concept “traduit aujourd’hui une réalité inquiétante, car nombre de grandes pollutions et dégradations écologiques causées par les activités économiques, notamment des entreprises transnationales qui délocalisent leurs activités dans les pays en développement, peuvent être qualifiées ainsi.

 

Quelles sont les principales recommandations de l’étude pour l’Union européenne ?

Dans l’objectif d’impulser cette révolution juridique du droit européen, la présente étude propose des dispositions concrètes et des modalités de mise en oeuvre afin de :

  • Consacrer juridiquement de nouvelles incriminations pénales : L’incrimination de risque causé à la sûreté de la planète et le crime d’écocide
  • Instaurer une responsabilité civile écologique au niveau Européen
  • Prévoir l’articulation des nouvelles propositions de droit pénal et en matière de responsabilité civile avec les textes de l’Union européenne
  • Demander à la Commission la réalisation d’études de droit comparé (sur ces différentes propositions)

 

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Député(e)s responsables

Marie Toussaint
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