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Accident nucléaire au Japon et sécurité nucléaire en Europe

Proposition de résolution Verts/ALE

Le Parlement européen,

–   vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et notamment ses articles 153 (politique sociale), 168 (santé publique), 192 (environnement) et 194 (énergie),

–   vu la directive 2009/71/Euratom du Conseil du 25 juin 2009 établissant un cadre communautaire pour la sûreté nucléaire des installations nucléaires,

–   vu le règlement (CE) n° 178/2002 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l’Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires,

–   vu la catastrophe nucléaire survenue à la centrale nucléaire de Fukushima-Daiichi au Japon,

–   vu l'article 110, paragraphe 2, et l'article 120 de son règlement,

A. considérant que l'accident nucléaire majeur survenu à la centrale nucléaire de Fukushima-Daiichi à la suite du tremblement de terre dévastateur qui a frappé le Japon et du tsunami qui en a résulté, a de lourdes conséquences en termes de santé, de pollution de l'environnement et de contamination des denrées alimentaires, dont toute l'ampleur ne sera pas connue avant des années,

B.  considérant que les événements tragiques survenus à Fukushima montrent une fois de plus que le "risque zéro" n'existe pas dans le domaine nucléaire, alors même que c'est l'une des conditions préalables à l'acceptation du nucléaire, compte tenu de l'ampleur des conséquences en cas d'accident, et considérant que la réalisation de tests de résistance ("stress tests") ne permettra jamais d'atteindre ce risque zéro,

C. considérant que, compte tenu de la catastrophe nucléaire qui touche actuellement le Japon, il est impératif que l'Union et ses États membres s'orientent d'urgence vers une économie entièrement fondée sur l'efficacité énergétique et les énergies renouvelables,

D. considérant que l'AIEA et Euratom ont tous deux pour mission de promouvoir les industries nucléaires, en ayant en même temps pour rôle, contradictoire, d'établir des normes de sûreté nucléaire s'appliquant respectivement à l'échelle internationale et dans l'Union,

E.  considérant que l'OMS est l'autorité internationale en matière de santé dont la population mondiale dépend pour l'établissement de lignes directrices et de normes dans tous les domaines de la santé, et considérant que l'accord WHA 12-40 signé le 28 mai 1959 entre l'OMS et l'AIEA empêche en fait l'OMS de diffuser des informations essentielles, de mener des actions appropriées et de s'acquitter de son rôle constitutionnel dans le domaine de la santé et de la radioprotection,

F.  considérant que certains États membres et des pays voisins de l'Union ont construit ou envisagé de construire des installations nucléaires dans des zones à fort risque sismique et d'inondation,

1.  se déclare totalement solidaire du peuple japonais après le tremblement de terre, le tsunami et la catastrophe nucléaire qui l'ont frappé, et présente ses sincères condoléances aux victimes de cette triple catastrophe; salue la mobilisation, le courage et la détermination dont le peuple japonais, le personnel de la centrale de Fukushima et les autorités ont fait preuve face à cette catastrophe;

2.  fait observer que l'accident nucléaire majeur survenu à Fukushima est le dernier d'une série d'incidents et accidents nucléaires qui se sont produits au fil des ans à travers le monde, y compris dans l'Union, dans tout type d'installation nucléaire et de réacteur (par exemple, Three Mile Island (États-Unis), Tchernobyl (Ukraine), Windsccale (Royaume-Uni), Tihange et Fleurus (Belgique), Civaux 1 et Blayais 2 (France), Phillipsburg, Krümmel et Brunsbüttel (Allemagne), Kozloduy 5 (Bulgarie), Paks (Hongrie), Forsmark et Barseback 2 (Suède), Kashiwazaki (Japon), etc.);

3.  relève que, même si trois des six réacteurs de la centrale de Fukushima n'étaient pas en fonctionnement au moment du tremblement de terre du 11 mars 2011, leurs barres de combustibles irradiés entreposées dans les piscines de stockage ont été sérieusement endommagées et contribuent à la contamination radioactive; relève également que des événements de même nature se sont déjà produits en Europe (par exemple à Paks, en Hongrie, en 2003);

4.  reconnaît qu'un risque résiduel perdurera tant que des centrales et installations nucléaires continueront à fonctionner; admet également que, le risque d'un futur accident grave ne pouvant être entièrement exclu, il n'est pas judicieux d'écarter la possibilité de tout accident fâcheux en arguant uniquement de sa faible probabilité ou en s'appuyant sur les résultats d'un test de résistance;

5.  engage, dans ce contexte, les États membres et les pays voisins de l'Union à renoncer à leur engagement en faveur de la technologie à haut risque du nucléaire et, pour ceux qui exploitent déjà l'énergie nucléaire, à entamer dès maintenant une sortie progressive, ce qui implique:

•  de ne pas construire de nouvelles installations nucléaires et d'abandonner les projets déjà programmés ou en cours d'exécution,

•  dans le cadre du processus de sortie progressive du nucléaire, de fermer immédiatement les réacteurs et autres installations nucléaires présentant des risques majeurs, c'est-à-dire tous les réacteurs nucléaires et autres installations nucléaires situés dans des régions sismiques ou dans des zones côtières exposées à un risque non négligeable d'élévation du niveau de la mer ou de tsunami, tous les réacteurs ne disposant pas d'une enceinte de confinement secondaire ou d'une structure de confinement total de la pression, tous les réacteurs nucléaires à eau bouillante (BWR) qui sont dotés d'un seul système de refroidissement et dont les combustibles irradiés sont stockés en dehors de l'enceinte de confinement, et toutes les installations nucléaires construites avant 1980,

•  d'interdire immédiatement le retraitement des combustibles irradiés dans l'Union,

•  d'élaborer, avant la fin de 2011, une stratégie visant à retirer tous les combustibles irradiés des piscines pour en assurer un stockage à sec dès que le niveau de chaleur résiduelle le permettra,

•  d'interdire immédiatement la production et l'utilisation des combustibles nucléaires à mélange d'oxydes (MOX);

6.  demande également à la Commission de veiller à ce que les États membres et les pays voisins de l'Union instaurent un régime de pleine responsabilité civile des exploitants d'installations nucléaires et des titulaires de licences de traitement des déchets nucléaires à l'égard des accidents et de la gestion à long terme des déchets, s'appliquant à tout dommage dû à ces activités, y compris les dommages causés aux environnements terrestre, aquatique et marin;

7.  demande à la Commission et aux États membres d'établir d'urgence des plans d'exécution et des mesures résolues visant à promouvoir une économie fondée sur des énergies à faible risque, qui soient assortis d'objectifs intermédiaires précis afin de réaliser, d'ici 2015, l'objectif d'une économie presque exclusivement fondée sur l'efficacité énergétique et sur les énergies renouvelables; insiste pour que la prochaine feuille de route 2050 pour l'énergie tienne compte de cet objectif;

8.  demande, dans la perspective de cette économie fondée sur l'efficacité énergétique, que soit adopté et mis en œuvre un cadre juridique ambitieux en matière d'efficacité énergétique et d'économies d'énergie afin de réduire notre consommation d'énergie, en termes absolus, d'au moins 20 % en 2020, 33 % en 2030 et 50 % d'ici 2050 par rapport à la consommation actuelle de l'Union;

9.  demande, dans la perspective d'une économie fondée presque exclusivement sur les énergies renouvelables d'ici 2050, que l'objectif juridiquement contraignant concernant la part des énergies renouvelables d'ici à 2020 soit porté à 30 % et qu'un nouvel objectif intermédiaire de 45 %, à atteindre d'ici 2030, soit fixé pour l'exploitation de ces énergies;

10. rappelle que, dans sa proposition de 2008 établissant un cadre communautaire pour la sûreté des installations nucléaires, la Commission a manqué une occasion évidente de proposer l'adoption de normes communes garantissant un niveau élevé de sûreté nucléaire(1); rappelle que cette proposition relevait du traité Euratom en vertu duquel le Parlement européen ne dispose d'aucun pouvoir de codécision législative; déplore que les institutions de l'Union aient à l'époque rejeté des normes contraignantes de sûreté(2); déplore en outre que les États membres n'aient même pas tenu compte de l'avis du Parlement européen d'avril 2009(3), préconisant de faire des principes de sûreté de l'AIEA une exigence légale plutôt que volontaire;

11. se félicite de l'intention de la Commission de réexaminer le cadre juridique et réglementaire applicable à la sûreté des installations nucléaires; demande à la Commission de présenter son réexamen sur la base du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne; demande, dans ce contexte, à la Commission de garantir l'application, par les États membres et les pays voisins de l'Union, de normes de sûreté générales, contraignantes et efficaces, qui tiennent compte des pratiques réglementaires et opérationnelles les plus avancées ainsi que de la meilleure technologie disponible dans toutes les installations nucléaires, dans l'attente de leur fermeture définitive;

12. déplore vivement la faiblesse des conclusions du Conseil européen du 25 mars 2011 relative aux "tests de résistance", qui rendent notamment ces tests facultatifs;

13. prend acte de la proposition de la Commission visant à soumettre toutes les installations nucléaires à une évaluation globale des risques et de la sûreté ("tests de résistance"); demande, dans ce contexte, à la Commission ainsi qu'au Groupe des régulateurs européens dans le domaine de la sûreté nucléaire (ENSREG) de veiller à ce que les États membres et les pays voisins de l'Union mettent en œuvre les mesures suivantes:

•  la réalisation d'une étude de la sûreté de toutes les installations nucléaires existantes et prévues, y compris les déchets radioactifs et les piscines de stockage du combustible irradié, d'ici la fin de 2011 au plus tard; demande, dans ce contexte, la mise en œuvre d'un processus transparent, global et indépendant conduisant à une évaluation exhaustive obligatoire des risques et de la sûreté ("tests de résistance");

•  l'élaboration, en pleine coopération avec des experts indépendants mandatés par toutes les parties prenantes, de critères, de paramètres et d'éléments généraux; le Parlement européen et le public doivent avoir pleinement accès à tous les documents utilisés pour ces tests et à leurs mises à jour régulières; demande à la Commission, dans ce contexte, de présenter, d'ici au 15 avril au plus tard, un calendrier concret et précis, avec indication des noms des organes et des experts indépendants qui participeront à l'élaboration des critères précis s'appliquant à ces tests de résistance;

•  ces tests de résistance ne doivent pas seulement s'appuyer sur des études probabilistes de la sûreté (PSA, PRA), mais également sur des analyses déterministes, ce qui signifie qu'il doit être prouvé que toute installation nucléaire peut résister même à une accumulation d'événements rares, y compris des défaillances humaines;

•  toutes les installations nucléaires qui ne satisfont pas à ces tests, y compris le risque de chute d'un avion de ligne ou un attentat terroriste, et qui ne peuvent écarter le risque de rejets radioactifs dans l'environnement (EPS de niveau 2) et pour la population (EPS de niveau 3) seront fermées au plus tard le 1er janvier 2012;

•  la prolongation de la durée de vie technique des installations nucléaires, qui est de trente ans, sera interdite quels que soient les résultats des "tests de résistance";

14. déplore le caractère lacunaire et imprécis des informations diffusées ainsi que la lenteur de l'information du public et la sous-estimation constante de la gravité de la catastrophe de Fukushima par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) et par l'opérateur de la centrale nucléaire de Fukushima, la Tokyo Electric Power Company (TEPCO);

15. déplore également le rôle double et antagoniste de l'AIEA, qui a vocation à promouvoir le nucléaire et à fixer des normes de sûreté nucléaire applicables à l'échelle mondiale; demande aux États membres de l'AIEA de garantir une indépendance totale de l'Agence vis-à-vis de l'industrie nucléaire; demande en outre à l'Assemblée générale des Nations unies de décider de séparer clairement le rôle de promotion de l'énergie nucléaire et la mission de sûreté nucléaire;

16. relève l'importance de la diffusion d'informations sérieuses et indépendantes sur les conséquences sanitaires et environnementales lors d'accidents nucléaires tels que les catastrophes de Fukushima Daiichi et de Tchernobyl; reconnaît que le double rôle de l'AIEA et l'accord OMS/AIEA signé en 1959 (accord WHA 12-40) ont fait obstacle à la diffusion de telles informations; demande aux États membres de l'OMS de soumettre au vote de la prochaine Assemblée générale de l'OMS une proposition visant à dénoncer l'accord WHA 12-40 conclu entre l'OMS et l'AIEA, qui empêche l'OMS de prendre des initiatives ou des mesures pour réaliser ses objectifs, à savoir la préservation et l'amélioration de la santé;

17. note avec une vive inquiétude qu'une contamination importante et croissante de l'air, du sol, de l'eau, des aliments et des produits alimentaires est signalée jour après jour depuis l'accident de Fukushima;

18. invite instamment le gouvernement japonais à étendre la "zone d'exclusion" aux régions où une forte radioactivité est mesurée; appelle en outre à une plus grande transparence en ce qui concerne les niveaux de radioactivité et de contamination et demande que des données et informations régulières, transparentes, soient fournies au public sur les autres risques, s'agissant en particulier de la contamination des aliments et des produits alimentaires non seulement par l'iode et par le césium, mais aussi par d'autres radionucléides comme le strontium et le plutonium;

19. demande à la Commission et aux États membres, dans le cadre du règlement de l'Union relatif aux mesures à prendre à l'égard des aliments contaminés en cas d'accident nucléaire, de fixer immédiatement des niveaux maximaux admissibles à l'échelle de l'Union, qui garantissent la protection des populations les plus vulnérables, en s'appuyant sur les avancées scientifiques en matière d'évaluation des doses d'exposition et des effets sur la santé; demande en outre à la Commission et aux États membres de veiller à ce que le principe fondamental sous-tendant les règles applicables en la matière soit la garantie d'un niveau élevé de protection de la santé publique et non la préservation de l'intérêt commercial ou du marché intérieur;

20. demande à la Commission de retirer les dispositions du règlement d'exécution (UE) n° 297/2011 de la Commission du 25 mars 2011 qui permettent l'importation de denrées alimentaires et d'aliments pour animaux contaminés en provenance de certaines provinces japonaises dans les limites des niveaux maximaux fixés par le règlement (Euratom) n° 3954/87, et d'interdire, en lieu et place, l'importation de certaines catégories d'aliments et de produits alimentaires en provenance des régions contaminées du Japon; demande, en même temps, que des mesures soient prises pour indemniser les agriculteurs et les pêcheurs japonais des pertes économiques dues à ces interdictions d'importation;

21. demande que l'importation de certaines catégories d'aliments et de produits alimentaires en provenance de la région contaminée du Japon soit interdite et que, dans le même temps, des mesures soient mises en place pour indemniser les agriculteurs et les pêcheurs japonais des pertes économiques dues à ces interdictions d'importation;

22. demande à la Commission et aux États membres de financer des programmes scientifiques indépendants dans les zones contaminées, aux alentours de Tchernobyl comme de Fukushima, afin d'améliorer la connaissance des conséquences à court et à long termes de l'irradiation et de la contamination de la population et de l'environnement; demande que les résultats de ces programmes soient pleinement publiés;

23. demande à la Commission et aux États membres de procéder à une réorientation immédiate et profonde de la politique énergétique, qui conduise à une économie européenne entièrement fondée sur l'efficacité énergétique et sur les énergies renouvelables d'ici 2050 au plus tard;

24. demande à la Commission, aux États membres, à la Banque européenne d'investissement (BEI), à la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) et aux autres banques publiques de geler le financement public de la fusion nucléaire, y compris ITER, ou de la fission nucléaire, à l'exception des financements destinés au déclassement d'installations nucléaires;

25. demande à l'Union et à ses États membres, dans un souci de démocratie, de participation du Parlement européen, de transparence et de plein accès du public à l'information, de traiter l'énergie nucléaire comme toute autre source d'énergie sur la base du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne; demande dès lors l'abrogation du traité Euratom;

26. demande à la Commission d'opérer une séparation entre ses tâches en matière de politique énergétique, incluant la promotion du nucléaire, et ses missions en matière de sûreté; demande que ces dernières relèvent de la responsabilité de ses directions générales de l'environnement et de la santé publique;

27. charge son Président de transmettre la présente résolution à la Commission, au Conseil, aux gouvernements et aux parlements des États membres ainsi qu'à Euratom et à l'ENSREG.

(1)

COM(2008)0790.

(2)

Rapport sur la proposition de directive (Euratom) du Conseil établissant un cadre communautaire pour la sûreté des installations nucléaires - Rapporteur: Gunnar Hokmark - A6-0236/2009, du 3.4.2009.

(3)

Ibid. note de base de page 2.

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Rebecca Harms
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