Les emplois de demain sont verts : Pourquoi protéger la planète et les droits des travailleur·euse·s, ça va ensemble

Le 1er mai de chaque année, nous célébrons la Journée internationale des travailleurs, ou fête du Travail. C’est une journée de solidarité et de soutien à tou·te·s les travailleur·euse·s du monde entier. C’est aussi l’occasion de célébrer les victoires acquises par les mouvements de défense des droits des travailleurs et des travailleuses. L’UE est à l’initiative de nombreuses lois relatives à l’emploi en vigueur : amélioration des conditions de travail, temps de travail maximal, protection contre la discrimination, droits en matière de maternité et de paternité dans toute l’Europe.

Mais il reste du chemin à parcourir. De nombreux travailleur·euse·s sont lié·e·s par des contrats zéro heures ou exercent des emplois précaires en tant que travailleur·euse·s de plateforme. Nos emplois, nos lieux de travaillent évoluent rapidement. Le télétravail se généralise et de plus en plus de personnes travaillent à temps partiel. L’abandon progressif des combustibles fossiles au profit d’une économie plus verte entrainera également du changement. Nous sommes sur le point de voir éclore une nouvelle génération d’emplois, plus verts et plus équitables.

Quels sont ces emplois du futur ? Pourquoi seront-ils nécessairement verts ? Comment rendre les salaires plus équitables ? Comment assurer des salaires décents à l’avenir ? Et pourquoi la lutte contre les changements climatiques et le combat pour les droits des travailleur·euse·s vont-ils de pair ?

En cette fête du Travail, quatre député·e·s du groupe Les Verts/ALE au Parlement européen nous racontent leur combat pour l’égalité salariale, pour des emplois meilleurs et plus verts, pour des salaires équitables et pour les droits des travailleurs, dans un monde en ligne en pleine expansion.

Greens/EFA MEPs Sara Matthieu, Kim van Sparrentak, Mounir Satouri, Kira Peter-Hansen
De gauche à droite: nos député·e·s Verts/ALE Sara Matthieu, Kim van Sparrentak, Mounir Satouri, Kira Peter-Hansen.

Sara Matthieu : Les emplois du futur sont verts. Voici comment ils peuvent à la fois améliorer la vie des travailleur·euse·s et sauver la planète

Sara, pourquoi travailles-tu sur les questions de justice sociale et des droits des travailleur·euse·s ?

Je m’investis socialement depuis mon enfance. Ma mère était assistante sociale. L’entendre parler des personnes en situation de pauvreté m’a convaincu de la nécessité de lutter pour plus de justice sociale. Mes parents m’ont appris que travailler pour un monde plus vert et plus social sont deux faces d’une même pièce.

Ma mère m’a également incité à promouvoir un meilleur équilibre vie professionnelle/vie privée. Et à inclure la perspective de l’égalité de genre en matière de politique relative au travail. De nombreuses femmes occupent encore des postes moins bien rémunérés dans le secteur des soins de santé, ou doivent travailler tout en portant la charge des tâches ménagères. En tant que jeune mère engagée en politique, je suis confrontée à beaucoup de ces problèmes. Je les comprends profondément.

Je trouve choquant qu’un citoyen européen sur cinq vit encore en situation de pauvreté et d’exclusion sociale. La majorité d’entre eux travaillent, mais leur emploi ne leur permet pas de gagner leur vie décemment. Les gens ont du mal à joindre les deux bouts !

C’est pourquoi j’ai initié l’appel du Parlement européen pour un revenu minimum au-delà du seuil de pauvreté fixé par l’Union européenne.

De quelle victoire en matière de justice sociale et de droits des travailleur·euse·es es-tu la plus fière? Et comment améliore-t-elle la vie des gens ?

La directive européenne sur le salaire minimum est sans aucun doute l’une de nos plus grandes victoires. Nous, groupe des Verts/ALE, nous sommes battus pour des salaires qui prémunissent de la pauvreté.

Il est prévu que 25 millions de travailleurs bénéficient de cette directive, avec une valorisation de 20% de leur salaire. Le taux de personnes qui travaillent mais vivent en situation de pauvreté diminuera de 10%. Beaucoup de foyers sortiront de leur précarité, et nous pouvons nous en réjouir et en être fier·ère·s.

Les femmes courent presque deux fois plus le risque de dépendre du salaire minimum que les hommes. À emploi équivalent, ceux-ci gagnent toujours 13% de plus que les femmes.

Nous luttons aussi pour la santé et la sécurité de 170 millions de travailleur·euse·s dans l’Union européenne. Malgré les protections juridiques, plus de 3300 accidents fatals et 3,1 millions d’accidents non-fatals se sont produire au cours d’une seule année (2018). Plus de 200 000 travailleur·euse·s meurent chaque année de maladies professionnelles. Et saviez-vous que dans l’UE, 88 000 personnes meurent encore chaque année de leur exposition antérieure à l’amiante ? Nous devons faire baisser le nombre de cancers liés au travail. Je suis fière que nous ayons réussi à convaincre le Parlement européen de réclamer une Union européenne débarrassée de l’amiante. Maintenant, il faut que les gouvernements l’acceptent !

À l’avenir, tous les emplois seront verts ?

Notre société et nos emplois changeront certainement beaucoup dans la transition des combustibles fossiles aux énergies renouvelables et de la culture du jetable à l’économie circulaire. Les emplois liés aux énergies fossiles disparaitront. Dans mon propre pays, la Belgique, de nombreuses personnes souffrent encore de la disparition, le siècle dernier, des mines de charbon. Les conséquences sociales en ont été négligées.

Pour ne pas répéter la même erreur et ne laisser tomber personne, nous devons inclure des filets de sécurité pour tou·te·s les travailleur·euse·s. Nous avons aussi besoin de programmes de requalification pour aider les travailleur·euse·s à s’adapter aux changements dans leur emploi et dans notre économie. Tout cela doit être fait en collaboration étroite avec les travailleur·euse·s et les syndicats.

La transition vers une économie verte créera et développera des secteurs diversifiés, comme la rénovation les industries et services circulaires, et les énergies renouvelables. Ceux-ci offrent des emplois locaux, de meilleur qualité, et en plus grande nombre que les anciens secteurs déjà en déclin.

Quand on parle d’emplois verts, on ne parle pas seulement d’environnement. Maintenant et à l’avenir, les emplois verts doivent aussi être décents, équitablement rémunérés et s’exercer dans de bonnes conditions de travail. De cette façon, nous pouvons véritablement améliorer la vie des gens et protéger la planète.

Kim van Sparrentak : Taxons les pollueurs, pas les travailleur·euse·s – pour une population et une économie européennes en meilleure santé

Kim, pourquoi travailles-tu sur les questions de justice sociale et des droits des travailleur·euse·s ?

L’activisme écologique est inséparable de la lutte pour la justice sociale. Quand j’étais plus jeune, j’ai parlé des changements climatiques à mes parents et des solutions pour les combattre. Ils m’ont simplement répondu : « Oh, ce n’est pas un combat pour des gens comme nous ; c’est un problème de riches qui peuvent s’offrir des Tesla et des panneaux solaires. » C’est ce genre de réactions qui m’a incitée à faire des recherches sur le potentiel social de la transition écologique pendant mes études.

J’ai vite réalisé que, surtout en matière de logement, l’impact positif des rénovations sur les factures de santé et d’énergie est particulièrement ressenti par les ménages vulnérables vivant dans des logements plus précaires. Soutenir particulièrement ces ménages pendant la transition écologique peut jouer un rôle majeur dans la lutte contre la pauvreté.

Tout le monde doit être en mesure de s’engager dans la transition écologique pour réussir à garder une planète vivable. Aider les gens à voir au-delà de la question de savoir s’ils pourront mettre assez de nourriture sur la table rendra la transition écologique plus démocratique. Mais pour faire de cette transition un vrai succès, nous avons besoin du pouvoir collectif des travailleur·euse·s pour inciter les entreprises à prendre une direction plus durable. Par conséquent, les droits des travailleur·euse·s font partie intégrante de la lutte contre les changements climatiques.

De quelle victoire en matière de justice sociale et de droits des travailleur·euse·es es-tu la plus fière, et comment améliore-t-elle la vie des gens ?

Selon moi, c’est certainement la directive européenne sur les travailleur·euse·s des plateformes. En Europe, 28 millions de personnes travaillent en offrant des services via des plateformes numériques, comme des services de livraison avec lesquels vous pouvez commander de la nourriture.

Je suis fière que le Parlement défende fermement les travailleur·euse·s des plateformes. Nous n’avons pas cédé à celles-ci, Uber et Deliveroo en tête, qui ont porté atteinte au droit du travail de l’UE en déployant leur modèle d’affaires. Grâce à cette directive, les travailleur·euse·s des plateformes auront les mêmes droits que les autres. Ils auront droit à des congés payés et le salaire minimum leur sera garanti. Ils ne seront plus exposés aux caprices des algorithmes opaques pour l’utilisateur. La mise en application de cette directive est essentielle pour préserver nos États sociaux et l’avenir du travail dans un monde de plus en plus numérisé.

Qu’en est-il de l’avenir du travail ? Pourrons-nous nous permettre de travailler moins ?

Dans une économie verte, nous transfèrerons la charge fiscale des travailleur·euse·s vers les pollueurs. Les entreprises qui polluent davantage paierons davantage, c’est aussi simple que ça. Si notre système social devient moins dépendant de l’impôt sur le revenu, nous pouvons aussi, en tant que société, nous permettre de travailler moins et de nous concentrer sur d’autres aspects importants de notre vie.

Une économie verte sera aussi plus saine, dans la mesure où moins de gens tomberont malades à cause de leur travail.

Mounir Satouri : Une véritable transition écologique se fera selon les besoins des gens, pas de l’économie !

Mounir, qu’est-ce qui te motive à travailler sur les questions de justice sociale et des droits des travailleur·euse·s ?

Je suis issu d’une famille pauvre qui a émigré du Maroc vers la banlieue parisienne. À la fin de mes études, j’ai voulu aider les gens de mon quartier. Des gens qui enchainent les petits boulots ou qui cherchent du travail, qui ont du mal à finir le mois et à subvenir aux besoins de leur famille. J’ai travaillé comme agent de placement et comme directeur d’un centre social. Quand tu vis dans ces banlieues, l’environnement te limite tout le temps. C’est plus difficile de se déplacer, de trouver sa place dans certains milieux professionnels, de faire les bons choix en matière d’éducation et de culture pour ses enfants. C’est pourquoi je me suis lancé en politique : pour me battre pour plus de justice sociale.

De quelle victoire en matière de justice sociale et de droits des travailleur·euse·es es-tu le plus fier, et comment améliore-t-elle la vie des gens ?

Ma plus grande fierté au Parlement européen est la victoire obtenue pour un salaire minimum européen. Cela signifie concrètement une augmentation de salaire de 20% pour 25 millions de travailleur·euse·s en Europe.

La directive qui le prévoit permettra d’augmenter le salaire minimum dans deux tiers des États membres. C’est une manière très directe pour l’UE de lutter contre la pauvreté, d’augmenter les salaires des plus précaires.

Qu’en est-il de l’avenir du travail ? Comment la transition vers une économie verte rendra-t-elle les choses meilleures et plus équitables pour tout le monde ?

La transition écologique est essentielle. Selon la version libérale, ce sont les entreprises qui l’opèrent tandis que les États en assument les coûts. La réalisation de cette version entrainerait un triple échec :

  1. Une fausse transition écologique, guidée par les profits économiques plutôt que par la protection de l’environnement ;
  2. Les ménages les plus précaires seraient abandonnés et stigmatisés ;
  3. L’inégalité augmenterait, et avec elle, le populisme et l’extrême droite.

La version que nous, groupe des Verts/ALE, proposons, est celle d’une transition inclusive pour plus d’emplois, et des emplois de qualité, durables et sûrs. Nous promouvons une économie et une agriculture locales, des énergies propres qui vont de pair avec une vision globale pour les territoires : celle de services publics de qualité, de garanties sociales face à la pauvreté, en particulier grâce à la mise en place de dispositifs de revenu minimum.

Kira Peter-Hansen: Un meilleur emploi et un salaire décent – Détruisons le plafond de verre, pas la planète

Kira, qu’est-ce qui te motive à travailler sur les questions de justice sociale et des droits des travailleur·euse·s ?

Le système socio-économique actuel n’est pas juste. Il y a tant d’injustices, comme la distribution inégale de la richesse et les fractures sociales qui en découlent. Ce n’est un secret pour personne : ces inégalités affectent les femmes et les groupes vulnérables de façon disproportionnée. Ces sujets me tiennent profondément à cœur, c’est pourquoi je veux changer les choses. J’ai rejoint la commission de l’emploi et des affaires sociales du Parlement européen pour améliorer les conditions de travail, rendre le système fiscal plus juste et parvenir à l’égalité de genre.

De quelle victoire en matière de justice sociale et de droits des travailleur·euse·es es-tu la plus fière, et comment améliore-t-elle la vie des gens ?

Je pense que ma réalisation la plus importante à ce jour est la directive européenne sur la transparence salariale. Celle-ci permettra aux travailleur·euse·s européen·ne·s de comparer les niveaux de rémunération. Elle garantira davantage de droits à l’information sur les conditions salariales et sur les salaires ventilés par genre. Cela signifie que des millions de travailleur·euse·s européen·ne·s seront mieux préparé et mieux outillé dans leurs négociations salariales pour obtenir un revenu plus juste.

Après tant de travail et d’intenses négociations, c’est fou de se dire que cette directive sera enfin promulguée le 10 mai 2023. Les règles entreront en vigueur peu après. C’est une grande victoire pour des millions de travailleur·euse·s en Europe, et un échelon gravi pour aller briser le plafond de verre !

Qu’en est-il de l’avenir du travail ? Pourrons-nous nous permettre de travailler moins ?

Beaucoup de gens pensent que la transition écologique augmentera le chômage. Mais la vérité est qu’en promouvant de nouvelles façons de vivre et de produire, il y aura plus d’emplois, et des emplois variés. J’espère sincèrement que nous saisirons cette opportunité pour rendre l’économie plus vertueuse. Nous devons éliminer la discrimination au travail. Il nous faut des emplois plus justes pour tout le monde.

Prenons la balle au bond, changeons et améliorons notre façon de travailler ! Pour ce faire, nous devons travailler en collaboration avec les partenaires sociaux, les parties prenantes et les citoyen·ne·s. Ensemble.

Join the fight for workers’ rights!